Jusqu’ici très modéré, le taux de défaillances a littéralement explosé à la fin du mois dernier (+155%), indique un rapport d’Altarès. L’impact de la crise sanitaire sur la situation économique des entreprises commence à se faire lourdement sentir. Cette dégradation, de nombreux observateurs l’anticipaient depuis un an, mais les manifestations sensibles de cette lente et douloureuse glissade, atténués par les aides publiques allouées aux secteurs les plus pénalisés par les restrictions, étaient jusqu’à présent restés l’état de latence. D’où l’effet trompe-l’œil des tendances chiffrées présentées ces derniers mois par des instituts spécialisés : à preuve, le cabinet Altarès a comptabilisé 7 406 ouvertures de procédures collectives au cours du premier trimestre 2021, un bilan inférieur de 32 % à ce qu’il était à la même époque en 2020, pourtant encore épargnée par la crise du Covid. Les liquidations directes au plus haut La première partie de mars est l’avenant, avec un nombre de défaillances d’entreprises en repli de 48 %. En revanche, la courbe s’est brutalement détériorée dans la seconde quinzaine avec une explosion de + 155 % des cas de faillites. Un résultat très négatif qu’Altares impute à phénomène mécanique de rattrapage en décalé: il y a un an, date d’entrée en vigueur du premier confinement, les tribunaux de commerce avait fermé et gelé la plupart des procédures en cours. Des dossiers qui réapparaissent aujourd’hui dans les statistiques et s’ajoutent aux nouveaux, directement nés de la crise. D’après le cabinet, ces chiffres ne sont que les prémices d’une mauvaise dynamique qui devrait se confirmer et se poursuivre tout au long de l’année 2021, révélant a posteriori les véritables dégâts économiques provoqués par la pandémie. Il y a d’ailleurs des signes qui ne trompent pas : la part notamment des liquidations judiciaires directes, prononcées sans redressement judiciaire préalable, progresse à un niveau inédit depuis vingt ans, indique le directeur des études chez Altares. En mars dernier, 79 % des jugements rendus, soit environ huit sur dix, ont abouti à des fermetures et des disparitions d’entreprise, sans qu’une solution viable ne soit trouvée pour maintenir leur activité. A l’ordinaire (hors crise), ce taux de liquidations directes atteint 65% des décisions. La perspective d’une réouverture des restaurants, des bars, des salles de sport et de nombreuses galeries commerciales suffiront-elles à enrayer la tendance ? Rien n’est moins sûr car les enseignes concernées, placées depuis plusieurs mois sous perfusion, pourraient souffrir de la fin des aides, et ne pas renouer immédiatement avec un niveau de consommation suffisant pour leur permettre de se relever sans dommages.

[...]

Depuis un an, les aides destinées à amortir les effets économiques de la crise sanitaire ont spectaculairement réduit le nombre de défaillances. La bombe est-elle à retardement ? En temps normal, les observateurs auraient vanté l’excellence des chiffres, reflet d’une conjoncture on ne peut plus favorable pour les entreprises. Avec 33 189 cas de faillites enregistrées par les tribunaux de commerce en 2020, les tendances ont, il est vrai, de quoi réjouir, même si les cassandres diront –avec raison – que c’est toujours trop. Car c’est bien d’un quasi record dont il est question. Pas à la hausse, comme on aurait pu s’y attendre après l’année horribilis que fut 2020, brutalement secouée par une crise sanitaire d’une ampleur inédite dans les économies modernes, mais à la baisse : depuis 30 ans, jamais le nombre de faillites n’avait été aussi faible en France. Le cabinet Altarès en a comptabilisé environ 33 000 l’an dernier, soit une baisse de 38% par rapport à 2019. Etonnant résultat après deux périodes de confinement, dont la première, entre mars et mai 2020, avait mis à l’arrêt la quasi-totalité des secteurs d’activité. Après une brève respiration l’été dernier, les plus de 200 000 établissements de café-restauration ont dû se soumettre à des fermetures administratives qui se poursuivent encore aujourd’hui (les discothèques, elles, sont closes depuis un an sans interruption). La différence avec la crise financière de 2008, c’est que l’Etat français a, cette fois-ci, tenté de sauver les meubles en déployant une impressionnante artillerie d’aides destinées à amortir les effets économiques des restrictions sanitaires : le chômage partiel avait été très utilisé au printemps 2020 et un fonds de solidarité finance encore aujourd’hui les charges fixes supportées par les entreprises sans activité. Les prêts garantis par l’Etat (plus de 30 milliards d’euros) ont permis de maintenir à flot les trésoreries de très nombreuses entreprises. Le cumul de ces dispositifs a permis aux entreprises de survivre, note le président de GSC, une association qui informe les dirigeants sur les risques de leur perte d’emploi. A terme, l’effet boomerang peut être tout aussi brutal : quelle sera le réel état de santé des entreprises qui sont aujourd’hui placées sous perfusion ? (beaucoup d’assignations pour non-paiement de dettes avaient été gelées jusqu’à la fin de l’été 2020). Se déclarer en faillite auprès d’un tribunal de commerce ne signifie pas la disparition automatique de l’entreprise : des procédures alternatives à la liquidation existent pour relancer l’activité et trouver des solution destinées à apurer les dettes : parmi elles, les redressements judiciaires diminue de près de 50% par rapport à 2019. Les mesures de sauvegarde, appliquées préventivement dans les structures en difficulté qui cherchent à aménager leur créance, «recule de 14 % avec 833 jugements» signale Altarès Cette procédure collective est très utilisée dans les PME de plus de 50 salariés (+ 12%). Elle diminue en revanche dans les plus petites structures (-15% par rapport à 2019). Quant à la part des liquidations, elle est en repli de 30%

[...]

La quasi-totalité des défaillances recensées sur un an concerne des micro-entreprises. Au cours de la dernière année, 57 318 structures ont eu à faire au tribunal de commerce suite à des difficultés économiques : 94,5% de ce total arrêté à fin février 2017 par la banque de France est constitué de micro-entreprises, le plus souvent individuelles. La part restante concerne 1.809 TPE, 937 petites entreprises, 334 entreprises de taille moyenne et 31 grandes entreprises ou Etablissements de taille intermédiaire (ETI). L’ensemble de ces faillites est en baisse de -7,5% sur la période en considération, soit les douze mois écoulés entre février 2016 et février 2017. L’embellie ne profite pas à tous les secteurs : si la situation s’est améliorée dans le bâtiment et le secteur industriel, avec un recul des dépôts de bilan respectivement estimé -12,7% et -9,2%, la détérioration s’est poursuivie dans l’agriculture, sylviculture et pêche (+5,9%) et les métiers du transport, dans lesquels on trouve notamment les taxis confrontés à l’uberisation. L’année a été meilleure pour le commerce et la réparation automobile (-8,4%), comme pour l’hébergement et restauration (-7,7%). Selon la Banque de France, ces tendances positives devraient se poursuivre au cours des prochains mois, dès mars avec une nouvelle baisse du nombre de faillites, que la Banque de France anticipe à -6,6%.

[...]