Virgin : les vraies raisons d’un désastre

Si Virgin s’écroule, plus de 1 000 salariés vont payer l’addition d’une décennie au cours de laquelle leurs responsable n’ont, à leurs yeux, pas suffisamment anticipé la mutation du marché du disque et de la vidéo.

Virgin a déposé son bilan ce mercredi au tribunal de commerce de Paris. On saura dès la semaine prochaine à quelle sauce va être mangé l’un des distributeurs historiques du disque et de matériels vidéo dans le monde, et surtout quel sort attend les 1 200 salariés qu’il fait travailler en France.

Un marché bouleversé par le tout-numérique

Si internet a, en dix ans, plutôt favorisé la diffusion musicale (et plus globalement culturelle) via son canal, il a indiscutablement cassé du disque, ce marché « physique » qui a jadis fait les beaux jours de grandes enseignes urbaines comme la FNAC et Virgin. Sur cette période, marquée par l’avènement de géants du commerce en ligne, Amazon en tête, et par la multiplication des plateformes de téléchargement légales, tel iTunes géré par le géant Apple, les ventes de CD se sont écroulées de 70% chez Virgin. Même le DVD, pourtant réputé porteur, a dévissé (-15 à -20%).

Difficile dans ces conditions de résister, même en ajustant son offre, réduisant ses surfaces de vente (Virgin a fermé une dizaine de magasins dans les années 2010 et 2010, NDLR), et en s’offrant une visibilité sur le net, virage amorcé assez tard d’ailleurs dans le cas de Virgin.

Virgin, victime de la concurrence numérique, victime collatérale aussi du bouleversement des habitudes de consommation engendrées par le tout internet : aujourd’hui, c’est le consommateur qui choisit presque son prix, en allant au moins cher, en faisant le tri lui-même dans les catalogues et jusque dans les supports proprement dits (iTunes permet d’acheter en ligne des morceaux de musique à l’unité, indépendamment des albums).

Sans exagérer, on peut dire que les grands magasins type FNAC ou Virgin sont devenus des sortes de showrooms où la musique et la BD s’écoutent, se lisent et se feuilletten plus qu’elles ne s’achètent, la vérité du marché étant désormais ailleurs, dans une autre sphère, celle du clic à volonté et des tarifs préférentiels de livraison à domicile.

Ce n’est plus seulement le conseil-vendeur qui déclenche l’acte d’achat, mais les avis-clients, bidonnés ou non, postés sur les forums en ligne. Dans ce contexte, né d’un processus rapide (des mœurs qui changent en moins de dix ans !), il  était difficile de trouver la parade.

Mais est-il acceptable que les vendeurs des Megastores n’aient pas, par exemple et en dépit du simple bon sens, disposé plus tôt de connexions internet pour conseiller leur clientèle : « Des jeunes sortaient leur smartphone pour nous faire écouter de la musique ! » témoignait hier un employé de Virgin.

26 Virgin Megastores en France

Beaucoup des salariés aujourd’hui menacés par le dépôt de bilan de l’entreprise dénoncent l’apathie de leur actionnaire principal, la société d’investissement française Butler Capital Partners, qui n’a, à leurs yeux, pas engagé et temps et en heure les investissements aptes développer l’offre des Mégastores et l’adapter à la nouvelle demande.

De son côté, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a évoqué la « concurrence déloyale de distributeurs en ligne comme l’américain Amazon qui ne sont pas soumis à la même fiscalité que les entreprises localisées physiquement en France ».

Aujourd’hui, les dettes de Virgin s’élèveraient à 22 millions d’euros avec des factures non payées et des retards portant sur le paiement de cotisations sociales. L’enseigne gère encore 26 magasins en France (dont le plus grand à Paris, sur les Champs-Elysées au 52-60) et emploie plus de 1 000 salariés.

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