Les auto-entrepreneurs inquiètent les artisans

Créé par la loi de modernisation de l’économie (*), le statut d’auto-entrepreneur engendrera selon les artisans une distorsion de la concurrence. Explications.

Applicable au 1er janvier 2009, la nouvelle loi de modernisation de l’économie prévoit un statut particulier pour les salariés, demandeurs d’emploi ou encore retraités souhaitant vendre des prestations, même si celles-ci se trouvent éloignées de leur activité principale et de leur formation. Ces auto-entrepreneurs seront autorisés à pratiquer des prix plus bas que les tarifs conventionnels et paieront moins de charges sociales. Inquiets, les artisans assimilent déjà ce dispositif à une distorsion de la concurrence et à une « légalisation du travail au noir ». Comment vérifier les qualifications et contrôler les paiements ? Les experts comme les élus craignent la disparition des artisans, véritables acteurs du dynamisme des communes.

Inutile de fermer les yeux, on savait que cela existait déjà. Qui n’a pas, dans son entourage, une personne ayant sollicité un ami plombier afin de lui demander de remplacer, en dehors de ses heures de travail, le réseau de canalisations d’une vieille bâtisse en cours de rénovation ? Plus rapide et moins chère -car non déclarée- cette intervention a pu paraître séduisante à beaucoup de monde.

Et bien sachez qu’à partir du 1er janvier 2009, faire appel à ce genre de spécialistes sera possible en toute légalité, sous réserve que ces derniers aient opté pour le statut d’auto-entrepreneur. En effet, selon l’article 3 de la nouvelle loi de modernisation de l’économie, dès cette date, les étudiants, salariés, professions libérales, retraités et demandeurs d’emploi pourront proposer leurs services à des particuliers contre rémunération. Sans justifier d’une qualification, ni d’une inscription au Répertoire des métiers, ils paieront également moins de charges sociales.

(*) Entrée en vigueur le 6 août 2008.

2. Légalisation du travail au noir?

« Légalisation du travail au noir »?

Certains experts voient déjà dans ce dispositif les bases d’une concurrence déloyale entre des artisans, qui paieront leurs taxes, et des gens qui s’improviseront entrepreneurs tout en cassant les prix. Ghislain Kleijwegt, secrétaire général de la Chambre de métiers et de l’artisanat de la Vienne, parle de « légalisation du travail au noir » pour qualifier ce nouveau statut : « 50% d’une heure de main-d’œuvre facturée est consacrée aux charges diverses. De son côté, un auto-entrepreneur devra uniquement s’acquitter de 13% de son chiffre d’affaires. Sous réserve de libérer les énergies, ce texte de loi créera une distorsion de concurrence. »

Par ailleurs, Ghislain Kleijwegt s’interroge sur les capacités de l’autorité fiscale à contrôler les revenus de ces auto-entrepreneurs : « Sans obligation d’établir de compte annuel, les règlements se feront en liquide de la main à la main. »

3. Méfiance de la part de nos élus

Une incertitude relayée par les élus

À tort ou à raison, l’inquiétude des artisans s’accroît. Or, que seraient nos villages sans leurs entreprises artisanales pour les dynamiser ? On comprend ainsi pourquoi les sujets d’inquiétude des artisans deviennent souvent aussi ceux des élus locaux. Pour Catherine Coutelle, députée socialiste et membre de la commission des affaires économiques, qui a analysé le projet de loi de modernisation de l’économie, « il ne suffit de dire que l’on est entrepreneur pour l’être ». Relayant la position des groupes PS et communistes à l’Assemblée nationale, elle insiste sur un point : « Les auto-entrepreneurs étant par ailleurs salariés ou retraités, ils ne prendront qu’un faible risque et l’on verra ainsi apparaître des marchés sans référence de prix. » Se positionnant ensuite du côté des consommateurs, la députée pose deux questions : « Comment un client pourra-t-il vérifier que celui à qui il va confier une prestation sera capable de la mener à terme ? Sans registre, comment pourra-t-il vérifier sa qualification ? » Des questions qui restent pour le moment sans réponse.

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Journaliste de formation, j'occupe actuellement la fonction de rédacteur au sein du réseau des sites Internet de services aux entreprises du groupe Libbre. Je peux justifier d'une expérience de six ans dans la presse quotidienne angevine au sein de trois quotidiens : la Nouvelle République, Ouest-France puis le journal majoritaire en Maine-et-Loire : le Courrier de l'Ouest (2007-2009).

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